Origine de la Sainte Ampoule

La relique est conservée dans le tombeau de saint Remi, sous la garde des moines de l’abbaye depuis le baptême de Clovis par l’évêque Remi à la Noël 496 ou 498. Par ce sacrement, le Royaume franc entrait dans la foi catholique.

La première mention de la Sainte Ampoule apparait dans les récits de l’archevêque Hincmar, qui en 869 sacra Charles II Le Chauve à Metz. Il raconte que ce jour-là, la foule venue en nombre, empêchait le prélat d’atteindre la fiole d’huile sainte. Remi craignant un incident, pria Dieu de lui venir en aide pour atteindre le précieux liquide, ce qu’il fit, en envoyant une colombe portant la précieuse ampoule dans son bec.

La Sainte Ampoule et le sacre de Louis XV

La veille du sacre de Louis XV, un étranger muni de limes et autres ferrements propres à crocheter les serrures est arrêté alors qu’il comptait vandaliser le tombeau. Lors de la fouille de sa chambre d’hôtel, ses complices, qui avaient déjà pris la fuite, avaient laissé des lettres attestant du soutien de grands seigneurs. Le vandale fut relaxé sur ordre lors de son procès.

Les religieux de Saint-Remi, persuadés que l’on en voulait à la Sainte Ampoule, décidèrent alors de retirer la relique du tombeau de saint Remi et de la déplacer dans un autre lieu du monastère pour la mettre en sûreté.

Le jour du sacre, la relique est transportée sous haute surveillance jusqu’à la cathédrale où l’archevêque extrait à l’aide d’une aiguille d’or une goutte de baume qu’il mélange au Saint Chrême prélevé avec une aiguille d’argent. Cette huile sainte est ensuite appliquée en sept points d’onction (sur le sommet de la tête en faisant le signe de croix, sur la poitrine ou sur l’estomac suivant les textes, entre les épaules, sur l’épaule droite, sur la gauche, aux jointures du bras droit et du bras gauche) sur le roi à genoux faisant de lui un souverain de droit divin. Elle est rapportée à Saint-Remi dès le prélèvement effectué.

Le saviez-vous : malgré les sacres et le temps, la Sainte Ampoule ne fut jamais vide car elle avait la faculté de se remplir miraculeusement pour que le précieux liquide ne vienne jamais à manquer.

Le transport de la Sainte Ampoule est fait sous bonne garde. Le cortège est composé du grand prieur de Saint-Remi monté sur une haquenée blanche, portant le reliquaire à son cou, sous un dais tenu par quatre seigneurs otages arborant une croix représentant saint Remi et la colombe du Saint-Esprit portant la fiole, d’une délégation des habitants de Chesne-Le-Populeux (ancienne commune des Ardennes), de moines et de seigneurs.

Le devenir de la Sainte Ampoule

Mais la dévotion des moines ne parviendra pas à sauver la Sainte Ampoule de la destruction.

En effet, afin d'appliquer les lois relatives à la suppression de la royauté, le 6 octobre 1793, le citoyen Philippe Ruhl, représentant du Peuple dans le département de la Marne, exige des élus locaux qu'ils lui présentent le lendemain la Sainte Ampoule, afin qu'il puisse la détruire. Le 7, à 14 heures, Ruhl se rend place Nationale (actuelle place Royale), accompagné de six membres du conseil de Ville, des administrations du District et de quelques habitants. Il retire la fiole de son reliquaire et la brise sur le piédestal de la statue de Louis XV. Les fragments de verre et la chape d'argent dorée, sur laquelle il ne restait que peu de pierres précieuses, sont envoyés à la Convention, accompagnés d'un procès-verbal du bris de la Sainte Ampoule signé de Ruhl et des élus locaux présents. Dans ce document, le contenu de la fiole est décrit comme une liqueur rouge solidifiée sous forme de poudre, collée aux parois de verre.

Témoin de la violence des événements et alors âgé de 14 ans, Monsieur Pierrot Fils certifie le 23 avril 1823, qu’il a réussi à recueillir une esquille de verre contrairement à un autre enfant mieux surveillé, qui reçut un coup de poing pour avoir voulu ramassé un morceau de la relique. Cette fureur se ressent également dans la lettre que Ruhl envoie à la Convention et dans laquelle il explique pourquoi il a brisé « le monument honteux créé par la ruse perfide du sacerdoce, pour mieux servir les desseins ambitieux du trône », « tout ce qui entretenoit le fanatisme du peuple pour ses oppresseurs, en lui faisant accroire que le Ciel avoit choisi des mortels plus favorisés que lui pour les mettre aux fers, doit disparaître. La Sainte Ampoule n’existe plus. Ce hochet sacré des sots, et cet instrument dangereux dans les mains des satellites du despotisme a disparu ».

La monarchie restaurée, Louis XVIII chargea Jean-Baptiste Dessain de Chevrières, procureur du roi, de mener une enquête afin d'authentifier les fragments de la Sainte Ampoule sauvés de la destruction. En effet, prévenus des intentions de Ruhl, Armand Jules Seraine, curé de Saint-Remi au moment des faits et Philippe Hourelle, alors officier municipal et premier marguillier de la paroisse de Saint-Remi, prélèvent du baume de la Sainte Ampoule à l'aide de l'aiguille d'or. Ces fragments furent précieusement mis en sécurité, comme en attestent les différents témoignages recueillis. Louis Champagne Prevoteau présent aux côtés de Ruhl le 7 octobre 1793, parvint à subtiliser deux esquilles de verre qui volèrent jusqu'à sa manche au moment de l'impact. Tous ces fragments furent authentifiés et redéposés dans le tombeau de saint Remi dans un coffret d'argent doublé d'étoffe de soie et étiquetés avec le nom des personnes ayant sauvé ces fragments de la Sainte Ampoule. Une minute du procès-verbal de reconnaissance de 1819 y fut également enfermée.

Ces fragments et ce baume authentifiés en 1819 vont servir à refaire une nouvelle relique pour le sacre de Charles X. Depuis 1906, date de séparation des Eglises et de l’Etat, le baume qui constitue la relique sainte est conservé dans une fiole par l'Eglise de Reims et le nouveau reliquaire et le flacon vide dans le Trésor de la Cathédrale au Palais du Tau.

La vérité sur la couleur de cette précieuse relique

Lors de l’authentification des bris de la Sainte Ampoule de 1819, tous furent surpris de constater que le précieux liquide était et avait toujours été de couleur rouge, alors qu’il était souvent représenté de couleur verte.

Cette erreur s’explique par le fait que très peu de personnes ont eu l’occasion de l’admirer au cours des siècles et peut être par la déformation de son récipient fait de verre.

Dans ce procès-verbal de reconnaissance de la Sainte Ampoule de 1819, Armand Jules Seraine fait une description précise du reliquaire, la veille de sa destruction en 1793, alors qu'il était curé de la paroisse de Saint-Remi : « Je trouvais placée dans le ventre d'une colombe d'or ou d'argent doré, revêtue d'émail blanc, ayant le bec et les pattes rouges, les ailes développées, une petite fiole de verre de couleur rougeâtre, d'environ un pouce et demi de hauteur, bouchée avec un morceau de damas cramoisi ». Sur les parois de verre, apparaissaient des traits laissés par l'aiguille d'or utilisée le jour du sacre pour prélever le baume.

Le déroulement de la cérémonie du sacre

La cérémonie du sacre s’est complexifiée au fil des siècles et comprend différents rites codifiés et célébrés par différents membres de l’Eglise ou de la Cour selon un protocole défini. Pendant cinq heures, se succèdent serments, onctions, couronnement, acclamation et messes.

Depuis le règne de Louis XIII, la cérémonie commence par le lever du roi : les douze pairs ecclésiastiques et laïques vont chercher le roi dans sa chambre pour le conduire à l'église. Les évêques de Laon et de Beauvais sont chargés du cérémonial; ils toquent trois fois de suite à la porte du roi en demandant "Louis XV que Dieu nous a donné en roi". A la troisième fois, la porte s'ouvre et le roi est emmené, vêtu d'une chemise blanche, en procession à la cathédrale en musique.

Une fois installé, l'archêveque part accueillir la Sainte Ampoule apportée par le grand prieur de Saint-Remi en procession. Tout est prêt pour le sacre. 

Le roi doit d'abord prêter serment et promesse : la promesse est destinée à l'Eglise et réaffirme le respect des privilèges canoniques et garantit la loi, la justice et la sécurité à l'Eglise ; le serment au Royaume s'adresse au peuple : le roi s'engage à assurer la paix, la justice et la miséricorde.  Depuis, le sacre de Louis XIV, le roi prête également serment auprès de l'Ordre de Saint-Louis, ordre créé en 1693 pour récompenser les officiers méritants.

Puis, le roi abandonne une partie de ses vêtements et reçoit ses attributs de seigneur : les bottines de velours, les éperons d'or, l'épée de Charlemagne bénie par l'archevêque.

Venait ensuite la phase des onctions : l'archevêque prépare l'onction en mélangeant le saint chrême frais avec quelques gouttes prélévées de la relique pendant que le chantre rappelait le miracle de la Sainte Ampoule. Le roi se mettait à genoux pour recevoir sept onctions de l'archevêque : sur la tête, sur la poitrine, entre les épaules, sur chaque épaule et aux jointures des bras. Le roi devient ainsi un intermédiaire entre Dieu et son peuple.

La cérémonie continuait avec la remise des insignes : le chambellan revêtait le roi d'une tunique (la dalmatique) et du manteau fleurdelisés. A nouveau, deux nouvelles onctions sont faites sur ses mains avant que le roi ne reçoive les gants, l'anneau, le sceptre et la main de justice. Enfin, étaient appelés les douze pairs de France, en souvenir des douze compagnons de Charlemagne, pour la pose de la courronne sur la tête du roi par l'archevêque.

Après de nouvelles oraisons et bénédictions, le roi sacré et couronné était installé sur son trône surélevé. Les portes de la cathédrale étaient ensuite ouvertes pour que le peuple réuni sur le parvis puisse acclamer le roi. Des oiseaux sont lachés dans le ciel au même moment, les gardes tirent des salves de leurs mousquetons (petits fusils) et des médailles d'or et d'argent frappées pour l'occasion sont distribuées à l'assistance.

Une grand-messe clôture la cérémonie.

 

Une cathédrale richement décorée pour l'occasion

La cathédrale a été décorée pour les cérémonies avec beaucoup de magnificence : de très belles tapisseries sont tendues jusqu’aux voûtes dans toute la nef. Le grand autel est paré d’un ornement de drap d’argent galonné d’or et brodé avec les armes de France et de Navarre. Les marches de l’autel et le reste du choeur sont recouverts de tapis. Le trône du roi était installé en hauteur sous un dais violet au niveau du jubé. Tous les sièges étaient recouverts du tissu violet en velours avec des broderies dorées et des tribunes installées de chaque côté du chœur permettaient d'accueillir tous les invités. L'orchestre était, lui, installé dans une tribune derrière l’autel. Enfin, l’édifice était éclairé de nombreux lustres et girandoles.

Pour ce décor fastueux, 90 tapisseries font le voyage depuis Versailles, et une partie des décors est offerte par le roi.

Dernière mise à jour : 03 janvier 2024

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