Reims dans la guerre en 1916.

C’est début janvier 1916 qu’ont lieu les premières distributions de masques à gaz à la population rémoise. La ville entre ainsi dans la guerre des gaz qui a commencé le 22 avril 1915 avec la première attaque chimique d’envergure menée par les Allemands lors de la seconde bataille d’Ypres. La technique employée est alors celle de la vague gazeuse dérivante. On ouvre, dans la tranchée des attaquants, des cylindres pressurisés reliés à une tuyauterie. La nappe de gaz ainsi formée est alors emmenée par le vent dans les lignes adverses. Reims ne sera jamais concernée par ce type d’attaque, d’ailleurs peu à peu abandonnée à partir de 1917 à cause de son côté trop aléatoire. Mais la ville va être touchée par l’autre utilisation des gaz de combat, à savoir les obus chargés de gaz et envoyés par l’artillerie. Au départ, les gaz employés sont essentiellement des gaz suffocants, comme le chlore ou le phosgène, qui, en agressant les voies respiratoires, provoquent des lésions pulmonaires pouvant entraîner la mort. A partir de septembre 1917 s’y ajoutent des gaz vésicants comme l’ypérite (ou gaz moutarde) qui entraînent des brûlures au contact de la peau, des yeux ou des poumons.
Face à cette menace, des protections sont mises progressivement au point. Les Français utilisent d’abord des compresses de coton imbibées de thiosulfate de sodium (dits tampons P2) que l’on associe à des lunettes spéciales (les lunettes T). En février 1916 apparaît le masque M2, fabriqué à 29 millions d’exemplaires, qui englobe le visage et qui, malgré son aspect rudimentaire, est relativement efficace. Il est remplacé à partir de 1918 par l’ARS (appareil respiratoire spécial), considéré comme le meilleur appareil de protection de l’époque.
Bien évidemment, l’essentiel de ces masques est distribué aux combattants, mais les populations qui vivent près de la ligne de front, comme c’est le cas à Reims, en sont aussi dotées. Des photographies de civils, et en particulier d’enfants, dotés de leurs masques sont largement diffusées et utilisées par la propagande qui les montre comme les victimes innocentes de l’arme chimique. Ainsi, le 11 janvier 1916, le photographe aux armées Henri Bilowski immortalise-t-il les élèves d’une école primaire rémoise avec leurs masques à gaz.

Dans la réalité, le premier bombardement aux gaz sur Reims a lieu le 17 mars 1917. Ce jour-là, 500 à 600 obus à gaz tombent sur la ville, mélangés à des obus classiques. Les Rémois vont dès lors apprendre à reconnaître le son étouffé, très spécifique, que produisent les obus au gaz au moment où ils touchent le sol. De nombreux bombardements aux gaz ont lieu en 1917 (outre le 17 mars, les 1er, 15, 30 avril, le 27 mai, le 6 octobre, le 29 novembre, les 5, 11, 12 et 22 décembre) et 1918 (les 30 et 31 janvier, le 19 février, les 23 février et 14 mars, sans compter ceux qui ont lieu après l’évacuation totale de la population civile).
Dans ce contexte, les Rémois sont plus que jamais incités à se munir de leurs masques quand ils sortent et  les enfants reçoivent la consigne de les porter sur le chemin de l’école. En mars 1918, l’automobile des pompiers est munie d’une sirène spéciale, actionnée en cas de bombardement au gaz. De leur côté, l’Eclaireur de l’Est et le Courrier de la Champagne rappellent régulièrement les consignes à suivre en cas de bombardement par obus au gaz :

  • Mettre immédiatement son masque
  • Descendre à la cave et calfeutrer hermétiquement toutes les issues pour empêcher l’infiltration du gaz.
  • Mouiller les toiles ou les couvertures en les arrosant avec une solution d’hyposulfite de soude qu’on préparera dans un baquet au moment de l’alerte.
  • Si on sent des brûlures à la figure, aux mains, à toutes les parties du corps découvertes, se laver avec du savon et se laver la bouche et les yeux avec du bicarbonate de soude (une cuillère dans un litre d’eau).

Les bombardements aux gaz font des victimes civiles. Le seul chiffre précis date du 27 juin 1917 et fait état de 28 morts dus aux gaz. Par la suite d’autres victimes seront dénombrées, soit asphyxiées, soit atteintes de brûlures. Si, globalement, les victimes des gaz sont moins nombreuses que celles dues aux obus classiques, leurs souffrances et les séquelles qu’elles entrainent frappent les esprits. 


 

Dernière mise à jour : 21 octobre 2022

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