Reims dans la guerre en 1914.

L’incendie de la cathédrale de Reims par les Allemands, le 19 septembre 1914, est un évènement d’une portée considérable, à la fois par ses conséquences matérielles mais aussi par son retentissement international.

Pourtant, les premiers dégâts subis par la cathédrale sont antérieurs au 19 septembre. En effet, lors du bombardement d’intimidation que Reims connaît le 4 septembre 1914 au matin, 4 obus tombent dans les environs de la cathédrale. Leurs éclats abiment des verrières côté nord et  la statuaire du portail. Un cinquième obus, lui, touche directement l’édifice au croisillon nord du transept. Mais l’intérieur de l’édifice n’est pas atteint et les dégâts extérieurs sont minimes. A partir du 14 septembre, les Allemands qui viennent d’évacuer Reims mais occupent toujours les forts qui dominent la ville, soumettent celle-ci au feu de leurs canons. Du 14 au 18 septembre, ces bombardements causent la mort d’environ 140 personnes. La cathédrale est atteinte à plusieurs reprises. Le 17 septembre, 3 obus percent la toiture aux environs de la tourelle du carillon. Le 18 septembre de nouveaux obus frappent l’édifice, tuant un gendarme français et deux des nombreux blessés allemands installés dans la cathédrale.

Le 19 septembre, le bombardement commence vers 7h30 du matin. Les obus proviennent des batteries allemandes installées au fort de Berru et visent particulièrement le centre de Reims. Après une courte accalmie en fin de matinée, le bombardement reprend à midi, tuant un des adjoints, le docteur Jacquin, qui sortait de l’Hôtel de Ville.
A 15 heures, un obus touche l’échafaudage en bois de pin qui depuis mai 1913 ceinturait la tour nord de la cathédrale et l’enflamme. Vers 15h30, la toiture prend feu rendant l’incendie visible de loin ce qui amène les Allemands à cesser leur tir. Mais la chaleur de l’incendie met en ébullition les 400 tonnes de feuilles de plomb qui recouvrent la toiture. Le plomb fondu se répand alors sur les voûtes et coule par les gargouilles, provoquant une spectaculaire fumée couleur jaune d’or. A 15h50 l’échafaudage s’effondre sur le parvis, remplissant celui-ci de fumée. Quant à l’incendie de la charpente, il se poursuit jusque vers 20 heures.

Le drame touche aussi l’intérieur de la cathédrale où sont rassemblés de nombreux blessés allemands. Cette transformation de la cathédrale en hôpital militaire remonte à une décision prise par les autorités militaires allemandes lors de la courte occupation de Reims. Le 11 septembre 15 000 bottes de paille sont amenées pour servir de couchage tandis que les chaises sont empilées dans le chœur. En même temps, un drapeau de la Croix Rouge remplace, au sommet de la tour nord, le drapeau blanc installé le 4 septembre. A la reprise de la ville, le projet allemand est repris à son compte par l’Etat-major français qui, le 16 septembre, fait regrouper dans la cathédrale les 131 blessés allemands soignés dans les hôpitaux de Reims.

Or, le 19 septembre, très vite, des flammèches venant de l’incendie de l’échafaudage communiquent le feu aux bottes de paille. Affolés, les blessés allemands tentent de sortir mais sont bloqués par quelques soldats territoriaux et une foule de quelques 300 Rémois déchaînés contre eux. Il faut l’insistance du clergé de la cathédrale et d’un capitaine de dragons français pour que les blessés allemands soient finalement évacués. Mais 14 Allemands sont morts, dont 10 qui ont tenté de fuir par la cour de l’archevêché. Au total, les bombardements du 19 septembre 1914 causent la mort de 32 personnes.

En ce qui concerne le bilan matériel, il ne reste rien de la toiture sur la nef, les transepts, le chœur, l’abside et les bas-côtés. Le clocher de l’Ange a totalement disparu. Cependant, les voûtes ont tenu même si elles ont souffert du feu. A l’intérieur, l’incendie a dégradé la pierre, en particulier les sculptures du revers du portail sud. Une grande partie du mobilier est en cendres : les tambours et les stalles du XVIIIe siècle, le tapis du sacre de Charles X, le trône archiépiscopal. Le clergé a pu cependant évacuer les objets liturgiques et le Trésor de la cathédrale au début de l’incendie. Au total, si les superstructures de la cathédrale ont résisté, l’incendie a entraîné des dommages importants et le bâtiment se trouve désormais exposé sans toiture aux intempéries.

Cet incendie, survenu au tout début de la guerre crée un choc considérable. Très vite des polémiques se développent, sur le côté intentionnel du bombardement d’une part et sur l’ampleur des dégâts d’autre part. Dès le 20 septembre 1914 le gouvernement français émet une protestation qui a un grand impact auprès des pays neutres. Du point de vue français le bombardement a été effectué en toute connaissance de cause et porte la marque de la barbarie et du vandalisme allemands. De leur côté, les Allemands tentent d’établir des contre-feux en accusant les militaires français d’avoir utilisé les tours de la cathédrale comme observatoire, ce qui justifierait leur bombardement. De même ils minimisent largement les dégâts alors que la presse française, elle, a tendance à les exagérer en écrivant que le monument n’est plus qu’un tas de ruines.

Mais l’essentiel de l’évènement est ailleurs. Il constitue un fait nouveau que rien ne raccroche à une expérience passée. Il fixe l’image de « la cathédrale martyre » et du « crime de Reims » qui bénéficieront, pendant toute la durée de la guerre, d’une médiatisation sans égal.


 

Dernière mise à jour : 03 juin 2022

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