Une organisation millimétrée

La date du sacre fut fixée par volonté royale au 25 octobre 1722, après la nomination d’Armand Jules de Rohan-Guémené, en tant qu'archevêque de Reims et la fin des vendanges.

L’organisation du sacre est diligentée par le marquis de Dreux, grand maître des Cérémonies, représentant du roi et du régent.

Protocole, logements, fournitures, nourriture, décoration, etc., tout doit être validé par le roi, donc par le régent. Pour cela, il se sert du journal du sacre de Louis XIV. Le sacre de Louis XV sera une copie de celui de son arrière-grand-père.

Dès mai 1722, il est chargé de visiter les différents lieux des cérémonies comme l’église métropolitaine, le Palais archiépiscopal, le monastère de Saint-Marcoul à Corbeny (dans l'Aisne) pour en prévoir les modifications et les embellissements.Tous les recoins de la ville sont scrutés pour être modifiés ou embellis. L’organisation est millimétrée et ne consent aucun imprévu, car ce jour-là, tout doit être parfait.

Suivant la coutume, le secrétaire d’Etat à la guerre fait lever le plan de la ville et ses édifices et des lieux situés sur la route royale. Le conseil de Ville quant à lui, dresse un journal sur toute l’organisation du sacre afin de servir de texte de référence au sacre du prochain souverain.

Le rôle du conseil de Ville

Les membres du conseil de Ville reçoivent leurs fonctions par tirage au sort.

Douze commissions sont créées pour organiser le sacre :

  • les décorations des portes de la ville, etc.
  • la fruiterie
  • foin, paille et avoine
  • bois, fagots, buches et charbons
  • la lingerie
  • la Paneterie
  • l’échansonnerie
  • la volaille et sauvagines
  • ustensiles de cuisine
  • sauces et oranges
  • grosse chair et lard
  • l'argenterie et les tapisseries

Ces commissions sont chargées des travaux d’aménagement et de décoration, du ravitaillement en nourriture, des fournitures et ustensiles qu’ils peuvent louer ou acheter en fonction des directives reçues, de la mise en place du protocole pour l’arrivée royale, du logement et des cadeaux des invités, des banquets, etc.

Une sacrée facture

La dépense totale du sacre de Louis XV s’élève à près de 80 000 livres tournois (79 335lt 2s 6d)*, soit plus d’1,5 million d’euros.

lt:  livres tournois
d : deniers
s : sols ou sous

 

La taille des sacres

Selon, la coutume, une partie des finances provient des taxes sur les héritages soumis à la contribution des frais de sacre. Pour prélever cette taxe, les membres du conseil de Ville sont désignés pour visiter les maisons, terres, bois des paroisses de la ville à Saint-Symphorien, Saint-Denis, Sainte-Madeleine, Saint-Pierre, Saint-Jacques, Saint-Maurice, Saint-Etienne, Saint-Timothée, les maisons du faubourg de Cérès, du côté de la Porte de Mars, les terres situées de l’autre côté des portes de Mars et Dieu-Lumière. Six experts nommés par le conseil de Ville accompagnent les commissaires, qui après avoir prêté serment, commencent leurs visites. Toutes les sommes sont consignées dans le registre des commissaires recensant tous les héritages contribuables propriétaires ou locataires.

Pour l’occasion, il est demandé au conseil de Ville de faire dresser un nouveau plan général des paroisses, pour permettre une visite plus exacte des héritages concernés par la contribution aux frais de sacre de Louis XV et rectifier les erreurs dues à l’ancien plan de 1665.

Le conseil de ville obtient également l’autorisation de prélever cette taxe sur les 6 châtellenies du ban de l’Archevêque (Cormicy, Attigny, Courville, Betheniville, Nogent-La-Montagne, Chaumuzy et Sept-Saulx) qui contribuent ainsi à hauteur d’un sixième de la dépense.

Selon l’usage, la visite des maisons et autres biens soumis à la taxe n’est faite qu’après la cérémonie du sacre, l’argent ne rentrait donc dans les caisses de la ville qu’une fois les dépenses faites. Les édiles, se trouvant sans argent pour faire les dépenses, demandent l’établissement d’une estimation des frais pour que les imposables payent la contribution avant la cérémonie. Le conseil de Ville obtient du roi l’autorisation d’emprunter pour 2 ans la somme nécessaire pour financer la cérémonie du sacre, soit 20 000 livres, qu’ils rembourseront ensuite avec les contributions levées sur les héritages, la revente du matériel et des fournitures.

Autres financements

La coutume voulait également que les élus achètent certaines choses comme les ustensiles ou le linge et que le tout soit revendu après le sacre, tout comme les menuiseries et une partie des décorations. Mais sur conseil du grand maître des cérémonies, la Ville procéda à la location de ces fournitures, ce qui augmenta le manque à gagner car il fallut remplacer une partie d’entre-elles cassées, perdues ou volées.

Une partie des dépenses est prise en charge par la Maison du roi : l'aménagement des appartements du roi au Palais archiépiscopal, une partie des mets du banquet royal et de la vaisselle, certains frais d’embellissement etc., mais le plus gros de la dépense reste à la charge des Rémois et des habitants dépendants du ban de l’archevêque.

Les cadeaux du roi et de la Cour

A l’occasion du sacre, la Ville fait de nombreux présents aux invités.

  • le roi reçoit 16 douzaines de flacons de vin, des paniers de fruits dont des poires de Rousselet (variété de poire cultivée à Reims), des confitures sèches (pâtes de fruits), et du pain d’épices
  • le régent 8 douzaines de flacons de vin
  • les princes de sang et le principal ministre, 8 douzaines
  • les autres princes, principaux seigneurs et ministres, 6 douzaines
  • les invités « moins considérables », 4 douzaines
  • les autres invités dont les évêques, 1 ou 2 douzaines selon le rang
  • pour la duchesse douairière d’Orléans et la duchesse de Lorraine, le conseil fait porter dès leur arrivée les présents ordinaires de confitures sèches et de fruits

Aucun présent n’est offert aux princesses et princes de Lorraine et au prince frère du roi du Portugal, car ces personnes étaient là « incognito ».

Le vendredi 23 octobre, sont distribuées des présents de vin des échevins à ceux qui n’en avaient pas encore eus.

Le logement du roi et de la Cour

Le roi loge à l’archevêché, dans la chambre basse, dénommé pour l'occasion "Louvre". Ces appartements sont aménagés et décorés par l’officier du Garde-Meuble de la Couronne qui fait venir dès le 7 septembre les tapisseries et les meubles du Garde-Meuble. Dès le lendemain, ils se mettent à l’œuvre pour retapisser l’église et les appartements du palais archiépiscopal et y faire des travaux de charpenterie et d'aménagement.

Le conseil de Ville a également la charge de loger toute la Cour. Le logement est organisé dès le mois de juillet par les maréchaux des Logis. Pour ce faire, ils dépouillent le registre des rôles des habitants pour le marquage des maisons : 53 TBB (très belles), 63 BB (belles, sans comprendre des maisons très logeables), 155 B (moins belles), maisons médiocres (BM), les moindres (M), F (les sixièmes du M et petites), P (petites).

  • La duchesse douairière d’Orléans, Elisabeth Charlotte de Bavière, mère du Régent, la duchesse de Lorraine et ses filles logeaient à l’abbaye Saint-Pierre
  • le duc Philippe d’Orléans, le régent loge au Louvre et dans une maison de retraite chez l’abbé Bachelier, doyen du Chapitre
  • le duc de Chartres loge chez Madame de Brouillet;
  • le duc de Bourbon et l'intendant de l’éducation du roi, au Louvre et dans une maison de retraite dans le cloître
  • le duc de Charost, gouverneur du Roi, chez Mr Lancien
  • l'evêque de Fréjus et le cardinal de Fleury, précepteur du roi, à l’archevêché
  • le prince Charolais chez l’abbé de Séraucourt, grand-achidiacre
  • le comte de Clermont chez le chanoine Godinot
  • le prince de Conty chez le marquis de Grandpré.

Les autres invités disposaient du confort de l’habitant ou de la centaine de logements prévus à l’hôtel de ville.

Les maisons sont meublées et décorées par les propriétaires. Le bruit couru qu’ils avaient dépouillé leurs maisons en faisant transporter tous leurs plus beaux mobiliers à la campagne. Mais à leur arrivée, les invités de la Cour furent ravis de trouver leurs maisons logeables et très bien meublées, certains particuliers ayant même pour l’occasion fait des dépenses pour les mettre en meilleur état. Sa Majesté fut informée de l’excellent accueil des Rémois.

 

Dernière mise à jour : 25 octobre 2022

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